L'allaitement vu par les peintres
( il faut des forces à la maman pour allaiter, un Milky Way ou un Mars , et ça repart ! lol ! )
Les peintres ont souvent représenté le précieux moment de l’allaitement dans leurs oeuvres.
Jusqu’au début du XVIIème siècle, ce fut un sujet principalement religieux , les peintres montraient la Vierge allaitante.
Jan van Eyck ( 1370-1441 ), Städel, Francfort …. et le Maître de Flemalle ( 1375-1444 ), Städel, Francfort
Dans les nativités de cette époque , le sein virginal semblait parfois surgir du corsage d’une manière surprenante, et tout au long des siècles, sa forme varia du têton modeste de Lucas Cranach aux généreuses mamelles de Rubens.
J’ai cherché le mot ” sein ” dans le dictionnaire, et je découvris avec surprise qu’il vient du latin ” sinus
” désignant une courbe ou un pli concave, et spécialement le pli creux
de la toge en travers de la poitrine, où les femmes portaient leurs
bébés. D’où vient ainsi le sens intérieur du mot ” sein “.
Le sein désigne donc aussi le vallon qui se trouve entre les deux seins.
Au XVIIème siècle, Rembrandt a rendu cette scène religieuse de la maternité particulièrement humaine et émouvante. J’ai déjà montré la “Sainte Famille ” dans ce blogue l’été dernier, et la montre à nouveau par pur plaisir :
Rembrandt, Sainte Famille dans l’atelier de menuiserie, 1634, Alte Pinakothek, Munich
Le détail bien observé de la petite goutte de lait et le réalisme attendri du bébé repu touchent au coeur les fidèles, et chaque mère se retrouve un peu dans cette Vierge Marie, qui n’est pas une beauté idéalisée, mais une vraie maman.
A propos, le mot ” maman ” vient de ” mamelle ” .
Les mamelles de la France, Honoré Daumier les a bien campées dans ce tableau :
Daumier, Esquisse de la République, musée d’Orsay
On saute du sujet religieux au sujet politique.
Ici,
il s’agit du premier tableau à la peinture à l’huile de Daumier, qui ,
jusqu’à l’âge de quarante ans, ne produisit que des dessins.
En 1848, Ledru-Rollin, ministre de l’Intérieur, lança un concours aux
artistes pour représenter la République. Les conditions imposaient de
réunir en une seule figure les symboles de Liberté, Egalité, Fraternité.
Daumier n’a hélas pas remporté le concours et n’est pas allé plus loin
que son esquisse, bien qu’il eût rempli les conditions. Cette
plantureuse femme assise représentait bien la stabilité d’une
république forte nourrissant et instruisant ses enfants.
Dans la peinture hollandaise du XVIIème siècle, la mère allaitant figura parmi les scènes de genre et se regarde avec grand plaisir :
Pieter De Hooch, musée de Detroit.
Pieter De Hooch, Gemäldegalerie, Berlin
Dans ce dernier tableau, la scène se situe juste avant l’allaitement, nous avons l’image, mais pas le son : nous devrions entendre les pleurs de bébé réclamant la tétée pendant que sa maman délace son corsage.
L’envie me prend de remettre ici la compagne du peintre Renoir allaitant leur fils Pierre ( ils se sont mariés plus tard ), tableau que j’avais montré en janvier :
Renoir, musée d’Orsay.
Le peintre Maurice Denis a peint aussi des maternités :
Maurice Denis, Femme allaitant aux manchettes de dentelle, musée des Beaux Arts de Rennes
En
allemand, ( je reviens souvent à cette langue qui a des formules
magiques !) le verbe ” allaiter ” c’est ” stillen ” , et ” still ” veut
dire ” calme “. On connaît le mot ” Stillleben ” qui désigne la nature
morte, c’est à dire “la vie calme” mot à mot. Donc allaiter en allemand
c’est calmer. En effet on calme les cris du nourrisson affamé en
l’allaitant , et d’une manière générale, l’allaitement est un grand
moment de calme.
Dans les tableaux de Denis, on ressent bien cette sérénité.
Que l’allaitement semble naturel et facile quand il est vu par les peintres !
L’artiste qui a peut-être le mieux représenté les mamans allaitantes est l’américaine Mary Cassatt.
Elle a très souvent peint les mères avec leurs enfants, et voici une maternité que je trouve magnifique :
Mary Cassatt, Louise allaitant son enfant, musée de Portland, Oregon.
J’aime le regard fixe du bébé têtant goulument vers sa maman qui le comble de plaisir.
Dans
la réalité, l’allaitement n’est pas toujours aisé, la nature se rebiffe
parfois au grand désarroi des mamans, et parfois aussi, en d’autres
temps, l’ordre social l’empêchait chez les mères de famille royale, de
la noblesse, ou de la haute bourgeoisie, ou chez des femmes forcées de
travailler durement.
Parfois aussi, les drames bloquent la
lactation, je pense notamment aux deux guerres mondiales pendant
lesquelles des mères de tous pays apprirent la mort de leur mari au
front avant d’accoucher, et la douleur morale tarissait leur lait.
Ainsi, des nourrices procurèrent une fratrie à ces enfants privés de
leur sein maternel, et ils eurent ce qu’on appelle des frères de lait.
Quand le talent artistique rejoint la bienveillance de la nature, l’allaitement nourrit de bien belles oeuvres d’art !
Merci à Grillondufoyer pour ses articles toujours passionnants.